VIVRE UNE SITUATION CONFLICTUELLE
Reconnaître, naviguer, (s')en sortir
Sur le conflit et le conflictuel
Lorsque la situation conflictuelle éclate au grand jour...
- Dans un établissement scolaire Les situations conflictuelles sont inévitables tout simplement parce que les acteurs possèdent leurs propres limites à bloquer, contenir, amortir, métaboliser et transformer l’impact « négatif » des conduites d’autrui, de leur environnement, de leurs propres conduites, pour réussir à conserver un seuil de sécurité intérieur minimal. Empêcher qu’une situation de désaccord se transforme en situation conflictuelle
- lorsque l’un des interlocuteurs (ou les deux) ne se sentent pas confirmés dans leur possibilité d’être dans la divergence (ou dans l’accord). En d’autres termes, le « voilà comment je me sens et comment je me vois» n’est pas confirmé par le « voilà comment je vous vois et perçois ce que vous ressentez». Il y a un rejet, une non reconnaissance, de la définition que chacun se donne de soi-même.
Ex. : Un élève est en désaccord avec l’enseignant qui voudrait qu’il essaie de grimper en escalade. L’enseignant pense que c’est facile. L’élève que c’est difficile. Plus l’enseignant donne ses « bonnes raisons » justificatives plus l’élève se réfugie dans un refus de s’engager dans l’activité. L’enseignant traite le désaccord sur le plan du contenu (une argumentation) et non sur le plan de la relation (une confirmation que l’élève puisse trouver cela difficile). Plus l’enseignant va argumenter, plus ce que l’élève entend c’est : « il ne me comprend pas, il ne me reconnaît pas dans la possibilité d’avoir mon propre vécu». La communication ne se fait pas au même niveau et ne peut aboutir qu’à une situation de crispation. Ex. : un enseignant est en difficulté avec une classe et prend RV avec le chef d’établissement, pour en parler. Ce dernier l’écoute d’une oreille distraite, puis évoque le fait qu’apparemment c’est une classe sans problème, avec des élèves faciles, et qu’il n’y a aucune raison d’être en difficulté avec elle. En d’autres termes, non seulement la détresse de l’enseignant n’est pas entendue, mais la possibilité même de pouvoir la vivre est rejetée. Sans parler du processus de disqualification dans lequel peut être conduit l’enseignant.
- lorsque qu’il y a non un rejet mais un déni de la personne elle-même. C’est-à-dire la possibilité même qu’elle puisse être une source de définition de ce qu’elle est. Très concrètement et dans l’idéal, voilà ce qu’il est possible de faire… Activer vos balises relationnelles Proposer un moment et un lieu d’échange acceptés par les deux interlocuteurs. Observer pour rester vigilant sur le para et non verbal durant l’échange qui vous donnera une information précise de la « température conflictuelle ». Observer pour rester vigilant sur votre propre « température conflictuelle ». Etre vigilant à ses gestes, sa posture, au paraverbal et évitez tout signe qui pourrait faire l’objet d’une interprétation d’agressivité (ex. un doigt qui désigne, se rapprocher et pénétrer dans l’espace personnel, voire intime d’autrui). Se synchroniser sur votre interlocuteur. Confirmer activement l’autre dans sa légitimité concernant l’impact émotionnel vécu. Cette confirmation ne peut se faire sans écoute et sans paroles prononcées. Il est possible, par exemple, de reconnaître le conflit ou le problème même si vous ne vivez pas la situation comme problématique ou conflictuelle. Si une personne vit une situation comme un problème, ne pas lui renvoyer l’idée qu’il n’y a pas de problème. Si quelqu’un est en colère, confirmer sa colère et ne lui dites pas qu'il a tort d’être en colère. Etre et se montrer empathique. Montrer que vous avez entendu ce qu’il disait. Utiliser la reformulation. Prendre des précautions oratoires. Supprimer le verbal qui s’appuie sur l’injonction, la disqualification, le jugement, la menace et qui prend comme cible autrui. Il y a des mots qui, quand ils sont prononcés, (en) ferment toute possibilité d’entendre tels que NON ou MAIS. Parler méta sur la situation et non sur autrui (ex. : un « Vous êtes quelqu’un de difficile et vous ne savez pas écouter, calmez-vous » n’aura pas le même impact que « j’ai l’impression que la situation est difficile et je ne suis pas sûr que notre écoute soit favorable pour pouvoir avancer »). Utiliser un je de positionnement qui informe sur ce que vous ressentez.
Tout cela n’a pas pour effet de supprimer le désaccord, mais a le pouvoir de permettre aux interlocuteurs de pouvoir parler sur le désaccord sans risque de n’être pas entendu.
Revenir d’une situation conflictuelle à une situation de désaccord sans conflit
- En milieu scolaire, ces passages à l’acte physiques vers une autre personne sont déclenchés majoritairement par des jeunes (enfants ou adolescents élèves) vers d’autres élèves, vers des adultes (personnels d’éducation, de direction ou enseignants), ou plus exceptionnellement entre deux personnels adultes (Cf. Statistiques officielles).
- En milieu scolaire, la déontologie relationnelle dicte aux acteurs un devoir de protection. Elle doit servir de point de repère pour élaborer des réponses aux questions suivantes : comment me protéger objectivement tout en protégeant autrui qui cherche par son comportement à m’atteindre physiquement - ou atteindre quelqu’un d’autre - (qui a peut-être déjà réussi à le faire) ? Comment protéger l’ «agresseur» potentiel d’un acte dont les conséquences le placent dans une situation extrêmement délicate par rapport à la loi, à son avenir dans l’établissement… ? Comment, malgré tout cela, préservez au mieux les missions éducatives ? Trois stratégies sont possibles : la riposte, le défi, le repli. A priori, elles visent le même objectif : neutraliser l’apparition ou le maintien des comportements qui blessent. En réalité, pour deux d’entre-elles, elles servent de combustible.
- Cette dernière stratégie va être d’autant plus difficile à être décidée et mise en œuvre qu’elle prendra la signification globale d’un acte de soumission. Soumission au plus fort, à la violence qui gagne, des élèves en face des personnels adultes, du moi en face d’un autre. Mais pour ne pas vouloir perdre la face, faut-il risquer de la blesser davantage. L’enjeu est déplacé et devient prioritaire par rapport au souci de (se) protéger contre les atteintes à l’intégrité physique à court terme tout en préservant aux mieux les intérêts éducatifs du jeune à moyen et long terme. Il n’y a pas de héros dans la violence partagée ; que des perdants. Même quand le corps-à-corps est engagé - cela arrive parfois - cette stratégie de repli peut trouver son expression (Ex. : ceinturer les bras plutôt que riposter par des coups).
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